Les régimes linguistiques en matière de la Francophonie des provinces des Prairies : un aperçu comparatif et critique – La Saskatchewan

Par : Brenna Haggarty, BA, (@BrennaHaggarty) candidate au JD 2022, Université de Calgary et à la Certification de common law en français de l’Université d’Ottawa.

 

Ce billet de blogue est le deuxième d’une série de trois qui examine les régimes linguistiques de l’Ouest canadien, plus particulièrement les provinces des Prairies : l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Le premier billet de blogue a examiné le paysage juridique et politique des droits linguistiques en Alberta, celui-ci commentera les lois et politiques de la Saskatchewan. La Loi sur les Langues officielles fédérale stipule que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.1  Cependant, les provinces ne sont pas liées par ces mêmes exigences. Les politiques et les régimes législatifs linguistiques provinciaux et territoriaux du Canada varient d’une province et d’un territoire à l’autre. Cette variation a un impact direct sur la population francophone de chaque province et territoire du Canada. Ces politiques déterminent quels services sont offerts en français et dans quelle mesure ces services sont requis, ainsi que quelle qualité est attendue. En substance, on pourrait même avancer que ce manque de normalisation menace le droit des Canadiens francophones de se déplacer dans tout le pays et d’établir leur résidence dans toute province telle que codifier par l’article six de la Charte canadienne des droits et libertés.2

Ce billet de blogue prétend que la Saskatchewan a mieux réussi que l’Alberta à mettre en œuvre et à rédiger une politique en matière de la Francophonie. La Saskatchewan a publié un document distinct qui devrait être lu en parallèle à la Politique et qui vise à clarifier les engagements de la Politique. Ce document distinct répond aux préoccupations qui se posent concernant la précision, l’intelligibilité et la possibilité d’action des politiques de cette nature qui ont tendance à promettre trop et qui ne tiennent pas.  

En 2003 la Province de la Saskatchewan a adopté la Politique de services en langue française du Gouvernement de la Saskatchewan (la « Politique de la Saskatchewan »).3 Cette politique a trois objectifs principaux : maintenir une meilleure communication entre le gouvernement et la communauté fransaskoise, développer plus de services en français et consulter la communauté fransaskoise lors de la mise en œuvre de la Politique.  En 2020, la Saskatchewan a développé des lignes directrices pour appuyer la Politique.4 Les lignes directrices visent à clarifier les engagements contenus dans la Politique et à fournir une approche plus stratégique et cohérente aux affaires francophones de la province. Ce document secondaire fournit des détails supplémentaires et un plan d’action sur la manière dont les objectifs de la Politique seront effectivement mis en œuvre. L’Alberta bénéficierait certainement d’un document d’accompagnement comme celui-ci, qui décrit en détail comment les grands objectifs énumérés dans la Politique seront abordés.  

En outre, la Saskatchewan a créé la Direction des affaires francophones pour aider les ministères, les sociétés d’État et les organismes gouvernementaux à offrir plus de services en français à la communauté fransaskoise (p. 1). En ce qui concerne la communication entre le gouvernement provincial et la population de la province, la Politique établit que la correspondance entre un individu ou un groupe et le gouvernement doit se faire dans la langue préférée de l’individu ou du groupe. De plus, elle stipule que les documents informatifs, les formulaires, y compris les pièces d’identité et les certificats, doivent être disponibles dans des formats bilingues, lorsque c’est approprié. Les avis publics doivent également être affichés dans les deux langues officielles et les campagnes d’information publique doivent être menées en français, lorsque c’est approprié (p. 2). L’inclusion du libellé « lorsque c’est approprié » semble diluer l’objectif de la Politique, mais ces initiatives sont beaucoup plus concrètes que celles qui sont incluses dans la Politique albertaine. 

À l’instar de la Politique albertaine, il semble que les gouvernements de la Saskatchewan et de l’Alberta soit réticent à s’engager pleinement dans une programmation qui augmenterait réellement les services francophones. Cela dit, les nouvelles lignes directrices témoignent d’une volonté de s’engager dans des initiatives plutôt que de se contenter d’énoncer quelques objectifs intangibles. 

Les lignes directrices précisent que chaque ministère, société d’État et organisme doit désigner un représentant qui agit à titre de champion de son organisme. Les champions sont mandatés par leurs chefs permanent et occupe un poste clé au sien de leur ministère, société d’État ou organisme. Les champions doivent aussi posséder une connaissance approfondie des programmes et des services offerts par son organisme ainsi que les besoins et aspirations de la communauté francophone de la Saskatchewan. Chaque champion collabora avec la Direction des affaires francophones à l’élaboration, à la mise en œuvre, à la promotion et à l’évaluation des programmes et des services en langue française. Les lignes directrices définissent le rôle des champions à l’égard de chaque objective contenu dans la Politique, ainsi que le rôle de la Direction des affaires francophones quant à chaque objectif. 5   

Comme la Politique albertaine, la Politique de la Saskatchewan vise à augmenter le nombre de candidats bilingues dans les postes à responsabilité et affirme également son engagement envers l’offre active (p. 2). Les mêmes préoccupations soulevées à l’égard de l’offre active en Alberta ne s’appliquent pas autant à la situation en Saskatchewan puisque les lignes directrices offrent un plan pour la mise en œuvre de l’offre active. Elles commentent et expliquent comment les individus devraient être accueillis au téléphone et par courriel et à quoi doit ressembler l’affichage. Il comprend également des instructions concrètes pour les gestionnaires lorsqu’ils gèrent leurs employés ainsi que les étapes de sa mise en œuvre dans le milieu de travail. Ce même niveau de clarification et de détail est disponible pour d’autres initiatives telles que la détermination des postes disponibles uniquement aux candidats bilingues, l’embauche de personnes francophones pour ces postes et la consultation régulière auprès de la communauté francophone.  

Bien que la Politique elle-même soit qu’un document sommaire et non contraignant, les lignes directrices offrent des clarifications salutaires et utiles pour les membres de la communauté fransaskoise. Par rapport à la Politique albertaine, celle de la Saskatchewan comprend plus de détails et une démarche concrète qui permet de comprendre comment elle entend réellement augmenter l’accès aux services en français. Alors que le régime en Saskatchewan est plus établi, la Saskatchewan pourrait également bénéficier d’une loi qui codifie ces initiatives. Les lignes directrices ajoutent un élément de sérieux qui manque à la Politique albertain, mais le régime bénéficierait de l’élément contraignant qu’une loi offrirait. Il convient également de noter que ces lignes directrices n’ont été mises en œuvre qu’en 2020 et que leurs effets réels restent encore à démontrer.