Quelques réflexions sur le rapport annuel 2019-2020 du Commissaire aux langues officielles du Canada

Par François Larocque

Bien que la parution du rapport annuel du Commissaire aux langues officielles du Canada soit toujours un événement important dans le monde des droits linguistiques, il a été particulièrement anticipé cette année alors que la Loi sur les langues officielles (« LLO ») célèbre son 50e anniversaire. Le rapport de cette année, déposé au parlement le 29 septembre dernier par le commissaire Raymond Théberge, a pour but de faire le point sur l’état des services en anglais et en français, et il souligne des recommandations pour assurer le respect des droits linguistiques de tous les Canadien(ne)s.

D’abord, je dois avouer que j’ai trouvé le ton du rapport un peu terne, considérant qu’il marque le 50e anniversaire de la LLO. Je me serais attendu à un ton plus émoustillant provenant du bureau chargé de faire la promotion de cette loi quasi constitutionnelle qui fête son demi centenaire! À mon avis, depuis 1969, il y a peu de lois du parlement qui a si profondément changé le visage et la voix du Canada que la LLO.

À la fois, je conviens que ce n’est pas le job du commissaire d’être le roger-bontemps des langues officielles, et de faire comme si tout allait bien. Son travail est toutefois d’être un rayon de soleil, et de signaler les bons coups quand il y en a, mais, surtout, il lui appartient de faire la lumière sur les manquements à la LLO et de recommander des pistes solutions.

À cet égard, le rapport identifie un certain nombre de problèmes majeurs, dont le besoin criant de parachever la modernisation de la LLO, incluant une précision de la Partie VII et des mesures positives que doit prendre le gouvernement afin de favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophone du Canada. Le rapport souligne également la nécessité d’assurer que les institutions fédérales respectent la loi et s’y conforment, notamment Air Canada, le service frontalier et l’administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Plus propre à la situation de la langue française, le commissaire souhaite voir une hausse d’enseignants formés en français, avec l’appui des provinces pour faire ainsi, question de répondre à la demande et l’intérêt croissants pour le bilinguisme à l’échelle du pays.

S’agissant plaintes, le CLO a reçu en 2019-2020 un total de 1 361 plaintes recevables au regard de la LLO, soit une hausse de 25 % par rapport à 2018-2019. À mon sens, ces données révèlent un paradoxe inconfortable. Du côté positif, une augmentation des plaintes citoyennes signifie qu’un plus grand nombre de Canadiennes et Canadiens sont conscients de leurs droits linguistiques et revendiquent leur respect.  En revanche, l’augmentation des plaintes reflètent la persistance des problèmes de non-conformité et des manquements à la LLO.

Quelques innovations notoires

Malgré ces quelques problèmes, il est important de noter les petites victoires qui sont également soulignées dans le rapport de cette année, notamment l’intervention du Commissariat des langues officielles dans l’affaire Thibodeau c Air Canada, 2019 CF 1102 et ses plaidoiries novatrices sur les quatre dimensions de l’égalité réelle. Il y a aussi l’introduction des nouveau « bulletins d’interprétation », qui vulgarisent certains concepts en lien avec la LLO : l’offre active, l’égalité réelle, les exigences linguistiques des postes fédéraux, etc. Ces analysent nous offrent l’occasion de mieux comprendre l’entendement que ce fait le commissaire de ces concepts. De plus, le lancement du « Modèle de maturité des langues officielles », un outil innovateur qui permet aux institutions fédérales de s’autoévaluer en fonction d’une série d’indicateurs de performance. Il est encourageant d’apprendre à la lecture du rapport que 65 institutions fédérales auraient déjà demandé l’accès, ce qui témoigne au minimum d’une volonté de respecter la LLO.

Quelques omissions étonnantes

Cela étant dit, j’aurais voulu voir une ventilation intersectionnelle des plaintes suivant l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)afin de pour mieux comprendre les répercussions des manquements à la LLO sur différents groupes vulnérables de la société canadienne. L’ACS+ est désormais de rigueur pour les ministères et organismes fédéraux et il me semble que le CLO devrait adhérer aux pratiques exemplaires à cet égard.

J’aurais aussi voulu lire des commentaires spécifiques sur la situation inquiétante au Campus St-Jean et la nécessité d’en assurer la pérennité. Le CLO a pris la peine de souligner l’importance des autres institutions postes-secondaires francophones de l’Ouest canadien, à Winnipeg et à Régina, pour la formation d’enseignants francophones et de FLS. Il aurait pu en faire autant pour CSJ, puisque le commissaire avait déjà commenté la situation dans la presse.

J’attends avec grande anticipation quelques publications supplémentaires du CLO dans les prochains mois, dont le rapport sur la réponse du Canada à la pandémie de la COVID-19. J’ai aussi hâte de lire l’analyse de l’arrêt historique de la Cour suprême du Canada dans l’affaire CSFCB c Colombie-Britannique, dans laquelle le CLO est intervenu lors de l’audience (également historique) de la Cour suprême à Winnipeg. Par ailleurs, je suis étonné que le CLO n’ait rien dit à ce sujet dans ce rapport annuel, même si la décision est sortie après le 31 mars.

Bref, le rapport du commissaire de cette année a su rappeler plusieurs bons coups en matière de langues officielles, même s’il y a encore place à l’amélioration. Comme la pandémie nous l’a montré, il y aura toujours de nouvelles circonstances qui demanderont notre vigilance continue pour s’assurer que les droits linguistiques soient respectés au Canada.

Originalement publié le 8 octobre 2020 sur Juriblogue.ca

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